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La social-démocratie, un modèle politique dans la tempête

Histoire d’une notion. Revendiqué à la fois par François Ruffin, Raphaël Glucksmann ou François Hollande, le terme social-démocratie désigne le plus souvent, dans le débat public, un espace politique aux contours flous – la gauche de gouvernement, le socialisme modéré, le réformisme démocratique, voire le goût du compromis. Enraciné dans une longue histoire, le mot désigne cependant aussi, et peut-être surtout, un modèle politique, économique et social original mis en place dans les années 1930 par les pays scandinaves. Un modèle qui n’a pas grand-chose à voir avec les traditions socialistes française, italienne, grecque ou espagnole.
L’histoire de la social-démocratie commence au milieu du XIXe siècle. « Dans le vocabulaire politique, le mot apparaît pour la première fois peu après la révolution de 1848 », constatait, en 2009, le politiste Philippe Marlière dans la revue Contretemps. Si les mouvements socialistes de la deuxième moitié du XIXe siècle s’entendent sur la nécessité de socialiser les moyens de production, ils se déchirent au sujet de la démocratie politique. « Certains acceptent le cadre de la démocratie parlementaire des régimes capitalistes, poursuit le chercheur. D’autres, au contraire, pensent que le libéralisme politique est étranger au mouvement ouvrier et doit être rejeté. »
A la fin du XIXe siècle, ce débat traverse le SPD allemand, où Edouard Bernstein défend, à la fin des années 1890, un « révisionnisme réformiste », qui accorde de l’importance à la conquête de droits politiques et sociaux au sein des institutions existantes, mais aussi le mouvement socialiste français : le marxiste Jules Guesde, qui refuse tout compromis avec les « forces bourgeoises » et le système capitaliste, s’oppose alors au « possibiliste » Paul Brousse, qui entend « fractionner le but idéal en plusieurs étapes sérieuses, immédiatiser en quelque sorte quelques-unes des revendications pour les rendre enfin possibles ».
Si les sociaux-démocrates d’aujourd’hui sont les héritiers du réformisme d’Edouard Bernstein ou de Paul Brousse, s’ils ont en commun un refus de la stratégie insurrectionnelle ou révolutionnaire, ils ne défendent pas pour autant le même modèle. Le régime social-démocrate « chimiquement pur » mis en place à partir des années 1930 par les pays scandinaves ne correspond ni à la culture politique du PS français, ni à celle du PSOE espagnol ou du Pasok grec : il désigne une forme très particulière d’organisation syndicale et partisane, un régime inédit de gestion du « compromis social » et un système universaliste d’Etat-providence.
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